Faire le point sur les objectifs

Après une riche matinée d’échanges autour des processus d’adoption et leurs déclinaisons sur les dossiers individuels en compagnie du Secrétaire Exécutif, plusieurs membres des équipes de direction concernées et les gestionnaires, nous nous sommes attaquées à notre challenge de traitement archivistique !

La longue marche des dossiers

Rappelez-vous, une partie d’entre eux dormait en vrac dans le local de la Direction de la Protection de l’Enfance. Ils étaient vraisemblablement mélangés à ceux d’autres directions que celle de l’ACACI, voire d’autres ministères.
Conditionnés, ils ont été rapatriés sur notre lieu de travail en prévision de notre mission.

• Première étape : isoler les dossiers d’adoption. Les 2 premiers cartons semblent « faciles » : des éliminables puisque simple documentation.
• Pleines d’entrain, nous affrontons les suivants et là… les choses se gâtent, nous sommes confrontées à du vrac de dossiers d’adoption mêlés de documents divers. Cerise sur le gâteau, même si pressenti l’année dernière : la présence du moisi !

Pour faire face à cette situation, nous avons optimisé notre immense table de travail mise à disposition pour la transformer en séchoir improvisé !

Après cette journée bien remplie, chargée en découvertes en tout genre, c’est au tour des archivistes de s’aérer l’esprit et les bronches.

On avance mais...

Les mesures de séchage des documents prises hier ont bien fonctionné, puisque nous les avons retrouvés, à notre arrivée ce matin, secs et aptes au classement. Malheureusement, la poursuite du déballage des cartons révèle de nouvelles difficultés. Nous sommes confrontées à de nombreux documents présentant d’importantes proliférations de moisissures…

Il apparaît alors indispensable de séparer les dossiers sains des dossiers touchés. Un reconditionnement systématique de ceux-ci doit donc être effectué, ce qui ralentit fortement le traitement des fonds.

Les ravages sont tels que certaines pièces des dossiers sont condamnées à la destruction car rendues illisibles.

Aux moisissures viennent s’ajouter quelques visiteurs non autorisés, encore vivants. Face à ces phénomènes, l’utilisation de chiffons microfibres est nécessaire pour procéder à un nettoyage méticuleux, indispensable mais chronophage !

Changer de stratégie

Face à ce constat de l’état de conservation des archives, nous devons revoir notre stratégie d’approche du traitement des fonds et envisager la suite de la mission sous un nouvel angle.

Gestes sanitaires

Malgré la journée fériée, nous avons décidé d’aller travailler ce matin pour terminer le reconditionnement des dossiers les plus atteints par les moisissures et relancer une opération de séchage de certains d’entre eux, après dépoussiérage. La thématique de la matinée est de pouvoir tester la méthode de travail envisagée.

La nouvelle ligne de traitement des dossiers

Afin de maximiser la volumétrie, le choix a été fait de privilégier le traitement au niveau du dossier. La réorganisation des pièces à l’intérieur de celui-ci ne semble pas envisageable à ce stade.
Pour un test grandeur nature, les dossiers d’adoption internationale découverts en début de semaine ont été répartis par année.
Le choix de la date à retenir pour ce classement n’est pas une évidence. En effet, plusieurs dates cohabitent au sein d’un même dossier : date de la demande, date de réception du dossier, date des pièces administratives et sociales, date de la décision du tribunal, date de sortie du territoire… Après concertation avec Monsieur le Secrétaire Exécutif (portrait à venir), c’est bien la date inscrite sur la demande d’adoption qui a été retenue, dans la mesure du possible.

Sans notice !

Les fournitures et le matériel de conditionnement ont été commandés avant la mission et nous attendaient à notre arrivée. Afin d’évaluer si le stock est suffisant, il fallait rapidement le mettre à l’épreuve. Aussi, une opération de montage de boîtes s’en est suivie. Après des débuts difficiles, le rythme s’est mis en place.

Nous avons quitté l’ACACI en début d’après-midi pour un repos bien mérité, après avoir préparé nos nouveaux cartons à autopsier, dès demain !

Une nouvelle étape franchie

Les boîtes étant montées, il s’agit maintenant de les remplir. C’est Nancy qui s’y colle ! Il a fallu, tout d’abord, changer les pochettes quand cela était nécessaire, préparer les étiquettes pour identifier les dossiers et les glisser dans la boîte de l’année dédiée.

Les pièces du puzzle

Issues du vrac des cartons, de nombreux documents isolés se rapportant aux dossiers d’adoption sont à ventiler un par un pour permettre leur complétude. C’est déjà l’équivalent de 30 cm (3 boîtes archives de 10 cm) qu’il faudra répartir. La complexité réside dans le fait que nous n’avons pas encore les points de chute correspondants. En espérant qu’ils soient bien présents dans le gisement de cartons mis à notre disposition. C’est un vrai frein à la stratégie de traitement envisagée : petit coup au moral !

Invités surprises

Glissés mystérieusement au milieu du vrac, des éléments surprenants ont égayé nos séances de tri. Ci-dessous, un florilège du meilleur de nos découvertes.

Cette nouvelle journée de traitement s’est déroulée sous deux gros orages et pluies diluviennes, qui ont retardé notre retour à la maison d’hôtes. Sale temps pour les archivistes !

Sur le chemin du retour de l’ACACI

Notre quotidien en mission ?
Nous débutons notre journée par un trajet de 20 minutes à pied, dans le meilleur des cas. En effet, la circulation est dense et le chemin ponctué d’embûches : absence de trottoir, vendeurs ambulants, code de la route qui interroge, traversée au carrefour difficile…
À ces éléments se rajoutent les concerts de klaxon et les nuages noirs des pots d’échappement. Heureusement pour nous, à proximité de l’ACACI, l’environnement est plus calme même si ponctué des cris et rires d’enfants.

Le bilan de la semaine

Un bref aperçu de nos résultats après quatre jours pleins consacrés au traitement du chantier en cours.

• Nous avons réalisé cinq mètres d’élimination : documentation, formulaires vierges, doublons, brouillons, documents de travail, rapports publiés d’autres institutions entre autres.
• Pour la période 2000-2020, les dossiers internationaux sont en boîtes.
• À ce jour, cinq boîtes d’archives « puzzle » sont à ventiler.
• Trois boîtes sont estimées pour les dossiers nationaux et deux boîtes pour les dossiers d’enfants issus des pouponnières, qui ne peuvent pas être encore rattachés aux dossiers des familles apparentées.

Cette compilation a été facilitée par l’intervention décisive d’une collaboratrice locale.

Le week-end s’annonce ! Nous envisageons quelques projets de visite que nous vous ferons partager très prochainement.

Le marché des arts de Saint-Jean Cocody

Nous avons profité de la journée de samedi pour une première expérience en taxi, à destination du marché situé dans la commune de Cocody. Après vingt minutes de route, nous voilà devant trois étages de stands d’artisanat africain. Difficile de résister et de faire un choix ! Nous avons déambulé dans les allées colorées en ayant en tête les limites de l’espace disponible dans nos valises. Les négociations ont été longues et difficiles mais fructueuses ! Nos proches seront gâtés !

Fenêtre sur l’effervescence locale

Prise sur le vif, une image qui correspond bien à l’esprit de la mission qui place les enfants au cœur de nos préoccupations.

Grand-Bassam

Dimanche, après une heure de route, nous avons découvert la ville de Grand-Bassam et son ancien espace colonial appelé « Quartier France ». Celui-ci a été classé au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2012, même si de nombreux bâtiments restent à restaurer. Notre circuit a débuté au musée national du costume. Créé en 1981, il est chargé de conserver et de promouvoir le patrimoine vestimentaire ivoirien. Il se trouve dans un bâtiment de 1893, qui a servi de résidence au gouverneur. Un charmant marché artisanal jouxte l’édifice, qui propose des objets locaux de belle facture. Nous avons encore succombé !

Nos pas nous ont ensuite emmenées à la plage. Les rouleaux de l’océan ne se prêtaient pas à la baignade. Nous avons donc choisi de longer le rivage. Les sollicitations ont été multiples : vendeurs ambulants, promenade à cheval, invitation au bar-restaurant du concerné, visites guidées…

Une fin de semaine riche en visites et découvertes, qui nous a permis d’explorer de nouveaux lieux et d’enrichir nos souvenirs du pays. Une coupure bénéfique avant de retrouver, dès demain, nos chers dossiers !

Découverte gastronomique

Nous avons eu la chance d’être invitées à déjeuner par le Secrétaire Exécutif de l’ACACI, accompagné par la directrice du service « Enquêtes et Investigations », dans un restaurant typique. Une farandole de plats ivoiriens a été commandée : sauce feuilles de taro servie avec de l’igname et de la banane bouillies, poulet sauce pistache, queue de bœuf sauce graines, poulet braisé, alloco, attiéké et riz. Le tout arrosé de bissap.

Une virée au Sofitel Hôtel Ivoire !

En guise de promenade digestive, nos hôtes nous ont emmenées découvrir l’Hôtel Ivoire devenu Sofitel Hôtel Ivoire, complexe hôtelier de luxe. Il est situé au bord de la lagune Ebrié. Cet établissement mythique datant de 1963 est le premier et unique cinq étoiles du pays. Il est actuellement en rénovation pour accueillir les visiteurs en vue de la Coupe d’Afrique des Nations, qui se tiendra en Côte d’Ivoire en janvier-février 2024.

Après le rêve, la réalité des dossiers nous attendait à notre retour à l’ACACI.

Portrait

Guy Roger GOUIN : Diplômé de l’École de la Magistrature, sa première affectation fût au tribunal d’instance à la chambre civile et commerciale puis aux affaires familiales, où déjà la thématique de l’adoption lui est devenue familière. S’en suivent douze années au Ministère de la Justice en tant que sous-directeur de la protection judiciaire de l’enfant et de la jeunesse. Il enchaînera, ensuite, avec un poste à la Direction des affaires civiles et pénales, en charge du pilotage des activités des juridictions.
Arrivé en 2023 à la tête de l’ACACI, composée de 24 personnes, il découvre avec intérêt le projet d’ASF-France autour des archives de l’adoption. Il le confirme par ces mots : « La mission était un besoin et je suis ravi qu’elle se tienne »

Espaces de conservation

Nous avons entamé notre journée par une rencontre avec Monsieur Kamaté, Monsieur Coulibaly et Madame Kobena afin d’initier le volet numérique du projet. Des sujets tels que la compilation des bases de données existantes, l’élaboration d’un outil unique et la conception d’une trame adaptée ont été discutés. Il a aussi été question de la gestion des bases, y compris les suppressions des données obsolètes. Grâce à la consultation des fichiers, nous avons pu néanmoins valider des boîtes de dossiers d’adoption définitives et les intégrer à leurs nouveaux locaux, fraîchement aménagés.

Ravitaillement

Après l’effort, le réconfort ! Quelques emplettes à l’hypermarché de proximité ont été effectuées. Nous en avons aussi profité pour réaliser une petite pause gourmande, bien méritée ! Il faut dire qu’autant de manutention, ça creuse ! Le centre commercial est déjà paré pour Noël. En voici un bref aperçu.

Il était plaisant de voir à la fois notre espace de travail se vider et les locaux de conservation se remplir. Deuxième tranche de traitement de cartons dès demain.

Dernière ligne droite pour le traitement

Le tri des cartons est rythmé par de nouvelles découvertes parfois artistiques, à l’image de cette pochette créée par une famille qui souhaitait que son dossier d’adoption sorte du lot.

Au quotidien, nous devons repartir les fonds selon les catégories suivantes :

• • dossiers internationaux ;
  • dossiers nationaux ;
  • éliminables ;
  • pouponnières ;
  • à retourner à la Direction de la Protection de l’Enfant.

Certains de ces dossiers relatent des situations de nouveau-nés et de mineurs maltraités, abusés, en situation d’urgence, qui restent difficiles à lire. Nous retrouvons ces cas décrits dans les dossiers des enfants abandonnés, qui seront proposés à l’adoption. Bien souvent les circonstances de ces abandons sont terribles. Afin d’y remédier, des colloques, séminaires et campagnes de prévention sont organisés.

Mesures de conservation

Le climat local influence fortement la conservation des dossiers. En effet, la Côte d’Ivoire présente une atmosphère chaude et humide, propice à la dégradation du papier et des supports métalliques : agrafes, trombones, attaches anglaises. Les dossiers les plus récents présentent déjà des éléments oxydés. Nous les supprimons systématiquement des documents pour assurer leur pérennité.

Le temps consacré au tri prendra bientôt fin avec le dernier carton à affronter. En effet, d’autres activités sont prévues jeudi et vendredi, notamment une rencontre entre partenaires de l’adoption.

Tête-à-tête improbable !

En sortant de la chambre d’hôtes, nous avons eu la surprise de partager la chaussée avec une chèvre sonore, qui appelait son petit. Le matin constitue un moment privilégié car nous croisons sur le chemin de l’ACACI des stands de cuisine et de vente improvisés et un ballet de femmes portant sur leur tête toutes sortes de chargements imposants.

Un déjeuner entre partenaires de l’adoption

C’est avec grand plaisir que nous avons rejoint nos collègues du Service Social International (SSI) pour la pause déjeuner alors qu’ils animaient un atelier intitulé « favoriser la vie en famille des enfants en situation de handicap en Côte d’Ivoire ».
Nous avons pu échanger avec les quatre directrices des pouponnières publiques :

1. Bouaké,
2. Yopougon,
3. Adjamé,
4. Dabou.

La question archives était au centre des discussions. Nous remercions chaleureusement Jimmy Messineo et Marie Jenny pour leur invitation ainsi que le reste de l’assemblée pour leur accueil enthousiaste.

Ambiance musicale

Pour motiver les participants, lors de la reprise post-déjeuner, la coutume veut qu’un chant soit entonné par tous. Nous n’avons pu y échapper et avons été mises à l’honneur, au centre de la pièce avec une participation active et obligatoire à la chorégraphie imaginée.
Cette statue présente dans le lieu du séminaire nous a paru être une bonne illustration pour immortaliser l’instant.

La mission s’achève demain. Nous présenterons notre bilan et nos recommandations à l’ACACI, avant de quitter notre belle salle de tri.

Les comptes sont faits !

Nos chiffres clés de la mission sont tombés. Le verdict est le suivant :
– 14 cartons traités sur 46 dont 9 mètres linéaires d’éliminations ;
– 4,50 mètres linéaires de dossiers d’adoption internationaux et nationaux préservés ;
– un carton de 0,70 mètre linéaire à transmettre à la Direction de la Protection de l’Enfant.

Cours magistral et travaux dirigés !

Nous avons effectué une restitution à l’équipe de l’ACACI. Après avoir évoqué les difficultés liées à la nature du fonds, nous avons présenté la méthode développée pendant ces quinze jours et pour conclure les recommandations pour une bonne gestion des dossiers courants papier comme numériques. Une première version de la nouvelle matrice des bases de données a été esquissée. Il a été proposé aux agents, dans le même temps, de participer à un atelier pratique autour d’un carton test intact dans l’idée que les 32 cartons restants puissent être dégrossis par l’ACACI dans l’espoir d’une prochaine mission.

Deux semaines, ça rapproche !

Nous avons pris soin, avant notre départ, de présenter également les locaux de conservation à l’équipe et d’y laisser des fournitures pour permettre les traitements à venir.
C’est avec un petit pincement que nous avons chaleureusement remercié l’ACACI pour son accueil et son implication dans le projet. Ces deux semaines ont été une belle aventure professionnelle et humaine que nous avons eu plaisir à vivre.