Chargée d’accueillir la mission ASF pour les trois jours passés dans sa ville, elle a été une précieuse ressource et s’est démenée pour que les archivistes obtiennent tout ce dont ils avaient besoin. Elle a aussi pu être formée à la rédaction d’un bordereau d’élimination, afin de pouvoir poursuivre ces opérations à l’avenir.
Juste avant notre départ, elle a accepté à répondre à quelques questions posées par Quentin (Q).
Q : Peux-tu te présenter en quelques mots ?
D : Je m’appelle Mabou Laandhoiti, je travaille à la mairie de M’tsangamouji en tant que secrétaire de direction et une partie de mes tâches est consacréee à l’archivage. Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, je vais vous parler un petit peu de mon parcours. J’ai fait un master de sociologie à l’université de Toulouse-le-Mirail. Une fois le master en poche, je suis rentrée à Mayotte. J’ai travaillé au CCAS de M’tsangamouji en tant que chargée de développement social pendant deux ans. Mais à force, je n’y trouvais plus mon intérêt, je n’étais plus productive. Je voulais voir autre chose que les appels à projets. En ce qui concerne l’archivage, je suis tombée dedans par hasard, je ne connaissais pas du tout. La mairie avait un poste vacant et personne ne voulait s’occuper de la fonction archives. Du coup je me suis proposée ! Je vais essayer, je veux voir jusqu’où je peux aller et là, actuellement je ne regrette pas du tout mon choix, je ne suis pas du tout déçue !
Q : Qu’est-ce qui t’a intéressé dans les archives ?
D : En s’y plongeant, on retrace l’histoire de mon village, la commune de M’tsangamouji. Pendant ces quelques jours plongée dans les documents, j’ai eu une idée de l’histoire de ma commune, notamment en ce qui concerne l’urbanisme et le foncier. J’ai compris qu’avant, les habitants n’avaient pas de parcelles, rien n’était enregistré. Puis la mairie a mis à disposition des parcelles, les habitants venaient payer pour avoir une parcelle dès qu’il y en avait de libres.
De ce que j’ai vu aussi, l’état civil avant, c’était un peu compliqué… En fait, au sein d’une famille, si on estimait que quelqu’un était plus prometteur, on avait tendance à vouloir le mettre en avant au détriment des autres. Donc au sein d’une même fratrie, on inscrivait plusieurs fois le même enfant à l’école sous les identités de ses frères, qui eux n’allaient pas forcément à l’école. On allait jusqu’à baisser l’âge en trichant sur l’année de naissance pour que il puisse avoir une scolarité. Ce qui m’a aussi marquée, c’est que les années de naissance n’étaient pas forcément relevées à Mayotte. Donc pour les pièces d’identité, on estimait l’âge en fonction de la dentition des gens…
En terme d’infrastructures, les bâtiments n’étaient pas comme ils sont aujourd’hui. Et je vois qu’il y a eu une vraie évolution. Ce qui est dommage, c’est qu’il nous manque des archives sur le sujet. Mais avec celles qu’on a, on se rend compte que depuis les années 2000-2010, la mairie se projette, elle voit sur le long terme. Avant, on faisait pour répondre à un besoin, mais actuellement, on se préoccupe plus aussi de la question environnementale. Et on s’assure également qu’on fait quelque chose pour le long terme, on se projette à 10-20 ans. Alors qu’avant c’était juste maintenant, à l’instant T.
Q : D’après toi, pourquoi c’est important de conserver ces documents-là ?
D : Parce que moi-même je connais peu mon histoire, mon héritage culturel. Lorsque j’étais élève, on n’enseignait pas l’histoire de Mayotte à l’école. Alors que c’est essentiel que je connaisse à minima mon histoire. C’est mon héritage. Ça serait bête de me retrouver quelque part, qu’on me pose des questions « alors tu viens d’où, c’est comment ? » et je ne pourrais pas retracer mon histoire. C’est très important, surtout pour les générations à venir. Je commence à mieux la comprendre et enfin je peux dire que voilà, je connais un petit peu mon histoire et ça c’est une fierté, c’est une chance pour moi !
Q : Qu’est-ce que tu retiendras de ces trois jours à travailler sur l’archivage avec nous ?
D : C’était vraiment intense, c’est ce qui me faisait peur. Mais franchement le défi a été relevé et je vous remercie beaucoup pour ça ! Si vous n’étiez pas intervenus, toute seule ça aurait été quasi impossible de gérer tout ça, d’autant plus que je ne suis pas du secteur. Mais là j’ai pu voir pas mal de choses. Donc, que du positif !
Q : Ça a été quoi pour toi le pire moment de ces trois derniers jours ?
D : Lorsque je devais solliciter les collègues. Parce qu’autant j’ai plus anticiper certaines choses, mais les demandes de dernière minute, t’es obligée d’aller voir les services techniques par exemple, de doucement leur demander « je pourrais avoir ça … » et de faire en sorte qu’ils répondent à nos besoins. Et ça, c’était compliqué, les besoins de dernière minute, comme par exemple obtenir les bâches, des choses comme ça.
Q : Et le meilleur moment alors ?
D : Lorsque j’ai vu la salle bien rangée ! C’était très satisfaisant ! Le travail est fait.

Q : Tu voulais rajouter quelque chose ?
D : Franchement, je me donne 2-3 ans et soit je vais faire la formation, me former au métier d’archivage et rentrer carrément dans le milieu. Sinon, c’est sûr que tôt ou tard, je reviendrai là-dessus. Parce que je n’ai pas fini de retracer mon histoire. C’est mon héritage et j’aimerais bien le connaître au mieux !


