Mercredi 27 avril : deuxième jour de colloque

Compte rendu et photos du colloque

2013-02-22T14:12:57Z

La journée s’annonce importante pour les participants et notamment pour nous dans la mesure où, consacrée à l’état des sources de l’histoire djiboutienne et des travaux scientifiques sur le pays, nous attendons des communications sur le chemin de fer mais aussi une réflexion plus large sur la préservation et la conservation du patrimoine archivistique. La première intervention, du directeur du centre de recherches universitaires, Adawa Hassan Ali Ganta (qui nous accompagne souvent et nous a aidé à maintes reprises pour trouver les interlocuteurs privilégiés), ne nous rassure guère mais confirme les craintes. Il pointe en effet l’absence de politique archivistique à Djibouti et le manque de connaissances sur les fonds pouvant exister. Les problèmes de conservation et de classement sont également évoqués. Cela dit, le « docteur Adawa » (c’est ainsi qu’il est interpellé dans la rue, environ toutes les deux minutes, avec familiarité et respect) rappelle l’existence d’archives conservées par l’IFAR (Institut français Arthur Rimbaud) qui, semble-t-il, a joué le rôle de dépôt légal pendant plusieurs années ainsi que de fonds aux Archives nationales d’Outre-mer d’Aix-en-Provence, à celles de Paris-Fontainebleau-Pierrefitte, à la Bibliothèque nationale, et également de tentatives malheureusement sans lendemain amorcées notamment par le professeur Colette Dubois dans les entreprises. Cette transition lui permet de revenir sur la méthode –et ses limites – avec le rôle prépondérant des hommes dans les enquêtes, les problèmes de datation et le nécessaire croisement des sources écrites et orales.

Article sur le colloque publié le 28 avril dans le journal La Nation

Lukian Prijac, de l’Université de Bretagne Sud présente ensuite son projet de guide des sources de l’histoire de Djibouti et de l’Ethiopie, à travers les documents conservés dans les bibliothèques et archives de France. Il revient sur la genèse du projet, les démarches entreprises et les nombreux inventaires dépouillés, ainsi que de la poursuite de son enquête auprès des Musées de France. Ce projet s’inscrit avant tout dans une volonté de mettre à disposition des références de sources encore inédites, conservées aussi bien dans les Archives municipales que départementales, comme à la Cour des comptes. A sa suite, Wolfberd Smidt de l’université de Mékélé (Ethiopie) évoque un épisode sanglant de l’histoire de Djibouti, dont il est parvenu à établir un déroulement exact à travers l’analyse critique des sources : la tentative d’annexion de Tadjourah par l’Egypte en 1875. Il montre l’idéologisation de cet événement par le pouvoir éthiopien de l’époque et dont les archives consultées au Ministère français des Affaires étrangères et européennes, au Foreign Office, aux Archives de Bern montrent une analyse toute différente : à l’expédition militaire dénoncée par le roi des rois, les services d’archives occidentaux adhérent plutôt à l’idée d’une expédition de colons plus pacifique.

Après le constat de l’absence de Mohammed Doualé, conseiller à la Présidence et apparemment à la tête du projet d’Archives nationales, qui devait intervenir sur la mémoire administrative de Djibouti, M. Houmed Gaba Maki, chargé de la culture pour le sultanat de Tadjourah, revient sur la méthode de fabrication des encres, avant de nous exposer la collecte de manuscrits auxquels il s’est livré et qu’il détient aujourd’hui chez lui. Cette collection comprend notamment des livres de maîtresses du Coran. Il évoque également sa volonté de pouvoir contacter des services ou administrations appropriées qui pourraient l’aider à mieux préserver ces documents, parfois déjà détériorés (notamment par les termites)… Pour clôturer cette matinée déjà riche et dense, Amina Said Chiré revient sur la construction de Balbala, faubourg de Djibouti-ville, construit en 1966 après la mise en place de barrages et champs de mines par les Français pour empêcher l’exode à Djibouti-ville de populations de la campagne. Les catastrophes naturelles ayant touché ce faubourg « sans mémoire » sont évoquées, mais les archives manquent pour étudier ce phénomène qui s’amplifie avec la révolution éthiopienne de 1974 et qui porte la population de Djibouti de 60 000 habitants en 1967 à300 000en 1985.

Une pause déjeuner (bien méritée !) nous attend au « Café de la Gare », récemment rénové, et dont l’ambiance colorée et chaleureuse, ainsi que la cuisine, nous plongent au bord de la mer Rouge, entre Afrique et Yémen. Après quelques brochettes nous nous levons péniblement à l’appel du devoir archivistique.

Les nouvelles pistes de recherches sont abordées et Colette Dubois lance un plaidoyer pour le renouveau de l’histoire économique et sociale de Djibouti à travers des fonds qui pourraient être exploités, comme ceux de la Chambre de commerce de Djibouti, ou de la Banque Indo-Suez, ancienne Banque d’Indochine. D’autres fonds, comme ceux des Postes, des Tribunaux islamiques, ou encore des Dockers pourraient constituer autant d’axes d’études et de possibilités d’interactions avec l’anthropologie. Mohamed Omar, ancien directeur des impôts reconverti dans la recherche rebondit sur le sujet en racontant les difficultés vécues par le manque de sources et le manque d’intérêt pour les archives à Djibouti. Il rappelle la création d’une direction nationale des Archives en 2000 qui n’a jamais été dotée et le directeur jamais installé ainsi que la formation d’archivistes à l’Université de Djibouti qui ne sont malheureusement pas restés dans le métier. Suit également l’évocation de quelques fonds essentiels, comme ceux de l’enregistrement, de la conservation foncière, de l’état-civil et du tribunal de la Charia. Le débat se lance ensuite sur la nécessité de formation et de législation en matière d’archives, qui permettrait d’éviter un grand nombre de destructions…

Pour terminer cette journée, Marian Nur Gomi de l’EHESS présente son projet de thèse sur les archives des photographes djiboutiens et sur leurs pratiques au regard de la révolution numérique (et notamment à travers les usages fait de Photoshop et d’autres logiciels). Enfin, Sadik Safwani, professeur à l’Université de Taiz au Yémen revient sur les archives privées de Yéménites habitants de Djibouti et dont l’exploitation révèle de nouvelles approches sur la politique régionale des puissances occidentales au XXe siècle.

Adawa Hassan Ali rappelle que les représentants d’ASF sont dans la salle et que leur présence symbolise les compétences techniques dont Djibouti, et en particulier le chemin de fer, pourrait disposer, si une demande officielle était faite. Nous prenons la parole pour rappeler que c’est bien aux acteurs djiboutiens d’agir. Le temps passe : ce colloque vient le rappeler et met bien en évidence que la collecte des témoignages oraux presse, que la situation des archives traditionnelles est dramatique, et que si le numérique représente pour certains une solution à tous les problèmes, il n’en faut pas moins oublier que ce dernier fait naître de nouveaux enjeux de conservation…

Dîner à la Résidence de France

A peine de le temps de prendre une douche bien nécessaire (et de tenter d’envoyer la mise à jour du blog, sans succès…), nous voilà partis pour la Résidence de France où l’ambassadeur, M. René Forceville, nous fait l’honneur de nous recevoir à dîner en compagnie de M. Denis Soriot, conseiller culturel et de son adjoint M. Jean-François Breton. Cette soirée permettra de poursuivre les échanges autour du patrimoine et des archives et de mieux faire connaissance avec les autres participants du colloque que nous retrouverons le lendemain matin pour une visite de la Gare. En attendant c’est toujours aussi exténués, mais un peu plus bronzés, que nous partons nous coucher.

De gauche à droite Laurent Ducol, Jean-François Breton, René Forceville, Vincent Bouat, Nazar Al Hadithi, Sadik Safwani et Thomas Osmond


 

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