Qui sont-ils ?

Ceux qui partent…

Vincent Bouat est conservateur du patrimoine aux Archives nationales, section du Minutier central des notaires de Paris, où il est chargé des référentiels des bases de données afin de normaliser et optimiser l’accès aux 700 000 actes qui y sont analysés. Il est parallèlement responsable des cours de paléographie moderne à l’UPEC (Université Paris-Est Créteil). Enseigne de vaisseau de réserve, il a pris part dans ce cadre à la mise en place d’un plan de classement des archives courantes et intermédiaires de l’État-major opérationnel de la Marine. Il a également œuvré au classement du fonds français de la Bibliothèque de littérature étrangère de Moscou et des archives de l’École française d’Athènes. Il participe enfin aux fouilles archéologiques de Sissi (Crète) menées par l’Université de Louvain. Archiviste paléographe et titulaire d’un DEA d’Histoire, il poursuit une thèse de doctorat portant sur l’histoire religieuse et politique du domaine Armagnac entre le XIIIe au XVIIe siècle. Trésorier de la Société de l’Ecole des chartes et membre de la section des archives centrales de l’Association des archivistes français.

Laurent Ducol, Directeur des Achats Ernst & Young, en charge de la gestion des prestataires Archives au sein de ce Cabinet depuis septembre 2009. Entre 2006 et 2009, il est responsable du Service archives Ernst & Young, avec pour mission de structurer, rationaliser dans le cadre d’une démarche qualité (procédure, marketing, indicateurs et évolution continue), les différentes entités archives à l’issues du rapprochement des Cabinet Ernst & Young et Arthur Andersen. Après un service national comme chef de projet à la Direction des Archives nationales des Comores (1995 – 1996), il entre au Ministère des Finances et anime un projet de retraitement des fonds en vue de la préparation d’une base de données d’archives historiques. De 1999 à 2002, archiviste et administrateur de la SGGP (Public) en charge de la constitution, du suivi du reporting et de la documentation de dossiers de créances de l’Etat (450 M€). Record manager et responsable du Centre d’Archives intermédiaires de la Ratp (2002 – 2005). Titulaire d’un DEA d’histoire sur le commerce des soies et la présence française au Liban (1860 – 1920) et d’un DESS des Techniques d’Archives et de Documentation (Mulhouse 1995). Laurent Ducol est depuis le 18 mars 2010, Président de la Section des Archives Economiques et d’Entreprises.

… et celui qui reste

Grégoire Champenois. Responsable du service Classothèque & Archivage au sein de la Maison Départementale des Personnes Handicapées (Hauts-de-Seine). Titulaire du concours d’ attaché de conservation du patrimoine (2010) et du Master métiers des archives, culture à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (2004/2005). Entre 2007 et 2009, archiviste aux Archives nationales de la mémoire (Argentine) : mise en place et encadrement d’un groupe d’archivistes, classements de deux fonds, élaboration des magasins d’archives.

Webmaster du site Archivistes sans frontières, il a déjà tenu plusieurs blogs : La journée d’étude du 3 février 2010 « L’archiviste : chef de projet ? ». Le lancement du Groupe de travail sur l’externalisation des archives, 24 juin 2010. Archivistes, Ethiopie et Cie ! (mission d’ASF en Ethiopie), mars-avril 2010. VIIIe Congrès Archivistique du Mercosur à Montevideo en novembre 2009, en tant que Flying Reporter (Conseil International des Archives).

Colloque international à Djibouti « histoire et archives de Djibouti et de sa région : projets et enjeux »

Mardi 26 et mercredi 27 avril, 9H00-12H00 et 16H00- 19H00

Professeurs, archivistes et chercheurs djiboutiens, français, éthiopiens et yéménites vont tenter, à partir de l’état actuel des archives dans leur pays, de mettre en commun documents et sources de toutes sortes. Ils souhaitent développer des directions de recherches autour des nombreuses questions que pose la région au 19e et au 20e siècle : constructions politiques et structures sociales, identités religieuses, économies locales et coloniales (ports, chemin de fer et routes), migrations et cultures.

Ce colloque est organisé par l’Université de Djibouti- Centre de Recherches de l’Université de Djibouti (CRUD), en partenariat avec l’IFAR, les Centres de Recherches Français de Sanaa (Centre Français d’Archéologie et des Sciences Sociales, CEFAS) et d’Addis-Abeba (Centre Français des Etudes Ethiopiennes, CFEE), les Universités de Sanaa, de Taiz et d’Addis Abeba, sur financement Fonds d’Alembert (France), Agence Universitaire Francophone (AUF), EMRAUD, EHESS (Paris) et Archivistes sans Frontières (ASF).

La mission d’ASF à Djibouti

Du 23 au 30 avril 2011, la section France d’Archivistes sans Frontières envoie deux de ses membres à Djibouti à l’occasion d’un colloque international portant sur le patrimoine de ce pays de la Corne de l’Afrique, situé à l’ouest du golfe d’Aden. Y seront présentés l’organisation et les actions d’Archivistes sans Frontières ainsi que les résultats des missions menées entre 2006 et 2010 (voir le blog Archivistes, Ethiopie et Cie !) à Addis-Abeba pour la sauvegarde des archives éthiopiennes de la ligne de chemin de fer djibouto-éthiopienne. Cette mission permettra de rencontrer les acteurs du patrimoine djiboutien et les responsables du Chemin de fer à Djibouti ce qui sera pour notre Association l’occasion de mieux connaître la part qu’il reste à traiter de ce grand fonds d’archives, part intégrante du patrimoine ferroviaire mythique de l’Est africain.

Colloque international 26-27 avril 2011 « Histoire et archives de Djibouti et de sa région : projets et enjeux ».

Programme du colloque (source : CEMAf – Centre d’études des mondes africains).

Samedi 23 avril 2011

Nous nous retrouvons à l’aéroport et après l’enregistrement prenons le bus qui nous amène à l’avion pour décoller à 11h15. Nous sommes très peu d’européens. Après le survol des Alpes, de la côte adriatique, Grèce, Crète, nous tirons droit sur le delta du Nil et descendons le cours du fleuve. Après le survol de la mer Rouge et la mise sous scellé des magazines et boissons alcoolisées, nous faisons escale sur l’autre rive, à Djeddah, point d’entrée en Arabie saoudite et principal aéroport desservant La Mecque. Bon nombre des passagers débarqueront alors, après avoir pris le soin de se changer à bord avant d’entamer le Hadj.

Une heure plus tard, l’avions repart et nous atterrissons à Djibouti de nuit. Nous appelons Adawa Hassan Ali, le directeur du Centre de recherches qui accueille le colloque. Il nous rejoint rapidement. Nous avons déjà notre visa que nous avions fait faire à Paris à l’Ambassade de Djibouti (ouverte entre 12 et 14h !). Nous quittons en taxi l’aéroport avec Adawa pour la base militaire française où nous serons logés tout au long de notre séjour.

L’aéroport est au sud de la ville de Djibouti et nous gagnons le Héron, presqu’ile qui porte bien son nom, les volatiles y ayant établi – eux aussi – leur quartier général. Malgré la nuit nous distinguons quelques bâtiments, le port de pêche et les grandes grues du port de commerce sur notre trajet.

Dans le taxi, nous en profitons pour mieux connaître notre hôte. Nous lui transmettons officiellement les remerciements de Danièle Neirinck pour son invitation et son accueil. Adawa nous parle de son parcours en France à Montpellier, Mende. Il est Docteur en histoire et a fait sa thèse sous la direction de Colette Dubois – que nous verrons au colloque- sur Djibouti pendant la période coloniale. Il a évidemment pris conscience très rapidement de l’impact du chemin de fer sur la vie quotidienne de ses concitoyens. C’est pour lui un des axes majeurs de son travail. Sur le trajet, nous traversons les premiers rails de la ligne de Chemin de Fer. Adawa nous confirme que le Directeur du Chemin de Fer est un parent et que nous le rencontrerons le lendemain pour organiser notre visite de la gare. Il nous annonce par ailleurs qu’après les deux jours de colloques (mardi et mercredi), nous partirons en excursion en voiture le long de la voie ferrée jusqu’à la frontière éthiopienne soit près de 100 km, pour visiter les installations : les gares et le viaduc Eiffel de Hol-Hol.

Nous arrivons au Héron, très satisfait à la fois de l’accueil, de l’hébergement et surtout d’avoir pu organiser nos rendez vous depuis Paris. Nous devrions avoir à l’issue de ce séjour une vision assez claire de la situation des archives du Chemin de fer et du travail qui nous attend.

Dimanche 24 avril 2011

Nous retrouvons Adawa comme convenu dans un hôtel proche de la base à 10h. M. Jean-François Breton, COCAC adjoint, nous fait le plaisir de nous rejoindre. Nous expliquons les buts que nous poursuivons : ASF et ses objectifs , nous dressons un synopsis des missions ASF en Ethiopie, le tout ponctué de rappel de l’état de l’art de notre métier et des principes fondamentaux de conservation et de sauvegarde qui guident l’action d’ASF. Adawa et Jean-François Breton nous précisent l’organisation des archives à Djibouti. Des archivistes identifiés travaillent à la Présidence, dans quelques ministère à la Chambre de Commerce, à l’Electricité de Djibouti et la Radio Télévisionnationale. Quelques fonds sont par ailleurs conservés par des Cadi à Tadjoura, 2e ville du pays. Il n’existe pas d’Archives nationales ni de Bibliothèque nationale.

Nous quittons l’hôtel pour la Gare. Nous sommes accueillis par le Chef du Personnel, M. Youssouf, puis par le Directeur de la Cie. Quelle satisfaction : il a sur son bureau le courrier de Danièle Neirinck annonçant notre arrivée. Il nous parle de la situation actuelle dela Cie : encore 300 employés pour partie en grève du fait de salaires impayés. Le trafic est en effet très perturbé et le démontage de rails et de certains ponts, non encore remplacés sur le tronçon Addis Abeba – Dire Dawa. Par ailleurs, 5 km de voies ont été emportées lors de violentes pluies. La Cie a donc besoin d’argent pour assurer son fonctionnement. Il évoque la location des bâtiments, en partie occupés par des archives et le transfert en cours de certains bureau de la direction. Dans ce contexte, il lui est difficile de pouvoir dédier du temps à notre mission. Nous insistons sur l’intérêt qu’il peut y avoir d’identifier et protéger des archives qui peuvent encore servir à l’exploitation dela Cie. Le Directeur est assez intéressé par cet aspect car de nombreux rapports techniques ont été rédigés sur les installations et sont peu exploitables – car non identifiés - alors que certains pourraient s’avérer essentiels dans le contexte actuel de restauration des voies ferrées.

Il donne mission au Chef du Personnel pour nous faire visiter la Gare et les archives lundi et voir tout ce qui peut l’être : installation et archives. Nous aurons tout loisir de photographier et de faire ce qui pourrait nous permettre d’établir un premier diagnostic. Il nous demande de lui adresser un exemplaire de notre rapport à l’issue de notre mission.

Nous terminons le rendez vous par une photo avec notre interlocuteur.

Adawa Hassan ALi, Laurent Ducol, Vincent Bouat et Hassan Mohammed Khamil (assis)

Nous quittons la Gare non sans prendre également quelques photos des installations et filons à l’Université où nous rencontrons des chercheurs et organisateurs du colloque. Déjeuner place Ménélik, nous retrouvons l’ambiance de la région, les « pasta » sont au menu !

Bâtiment principal de la gare
Vue des voies
Lundi 25 avril 2011

Nous partons à la gare

Réveil très matinal pour nos deux archivistes, vers 6h30. La chaleur étouffante qui règne depuis quelques jours sur Djibouti empêche en effet de travailler dans l’après-midi. L’activité en ville en est le témoignage le plus visible : à partir de 14h, les rues se vident et ne restent autour de la place Ménélik que quelques habitants cherchant le repos et la fraîcheur, allongés sur des paillasses sous les arcades coloniales.

Après un rapide déjeuner au cercle mixte de garnison, nous partons à la gare où rendez-vous a été fixé avec M. Youssouf, directeur du personnel. Nous commençons la matinée par un tour des installations ferroviaires. Après avoir traversé les voies d’où est parti la veille vers 23h30 un convoi tracté par une locomotive poussive (qui se trouvait d’ailleurs en panne à 30 km de là ce matin), nous marchons en direction des entrepôts et hangars techniques. Pour l’instant, pas d’archives en vue, mais du matériel de maintenance, entretenus tant bien que mal en raison des problèmes budgétaires.

Locomotive Alstom

Le premier témoignage écrit du patrimoine du chemin de fer, nous le trouvons dans la cabine du conducteur de la locomotive 005 : c’est un registre contenant notamment les bons de voie libre permettant à chaque arrêt au cheminot de reprendre sa route. Un peu plus loin, un hangar en bois attire notre attention : derrière les planches on peut apercevoir des ballots de riz dont le contenu ne fait aucun doute. Ce sont bien là des archives, amassées là par manque de place. Seulement, impossible pour l’instant de visiter car le hangar est fermé et notre hôte n’en a pas la clé.

Nous retournons donc dans le bâtiment principal et nous nous livrons à un premier examen rapide des archives qui y sont conservées. Grâce à la disponibilité de M. Youssouf, nous parvenons à avoir un aperçu quasi-complet de la masse documentaire qui y est entreposée. Des photos sont systématiquement prises, un plan du premier étage où nous nous trouvons est levé et un métrage approximatif est établi. Outre les armoires devant le bureau du directeur (qui contiennent le courrier arrivé, les P.V. du conseil d’administration de la compagnie, des notes, télégrammes, la situation du matériel), une pièce est entièrement dédiée aux archives techniques (études, dossiers d’incidents, gestion de l’exploitation…). Une autre pièce contient des dossiers individuels de personnel, pouvant remonter aux années 40, et d’autres archives ayant trait à la gestion des ressources humaines (relations avec le syndicat, accidents du travail…). Les autres bureaux révèleront des archives en rapport avec le service commercial, des statistiques : en tout, environ 80 mètres linéaires d’archives, dont les plus anciennes ne semblent pas remonter au-delà des années 40.

Le directeur, M. Khamil, nous rejoint sur place et se montre intéressé par les documents que nous pouvons lui montrer : il ne doute pas un instant de l’intérêt patrimonial de ce fonds et nous accompagne donc vers les magasins et dépôts situés de l’autre côté des voies, les clés ayant été retrouvées entre-temps. Cependant n’échappe pas à notre sagacité la présence de portes fermées au rez-de-chaussée d’où semble partir un escalier menant aux combles (M. Youssouf nous raconte d’ailleurs à cette occasions les légendes diverses circulant sur cet endroit, et notamment la présence d’un serpent gigantesque qui y aurait élu domicile). De même, un soupirail laisse entrevoir une pièce qui semble contenir des documents et sur laquelle nous reviendrons, notre première tentative pour ouvrir la trappe s’étant soldé par un échec.

Continuant notre visite prospective, après avoir traversé des hangars fantômes où des rayonnages supportent des caisses de boulons rouillés par les années, nous pouvons au passage examiner quelques armoires concernant la gestion des stocks, ou encore un fichier des entrées et sorties de matériel. De retour devant le hangar en bois, la bonne clé est enfin trouvée et ce sont au bas mot 12 m3 de vrac, dans des caisses en bois et des sacs de riz, qui se révèlent devant nos yeux rougis (non par l’émotion, mais bien plutôt par la poussière) et néanmoins ravis. Des documents de gestion technique, comme des plans, mais aussi de personnel peuvent être discernés au milieu de l’effroyable désordre qui règne ici, l’autre moitié du hangar servant de remise aux matelas et sommiers des employés.

Vue extérieure du hangar qui sert de dépôt d’archives
Vue intérieure du hangar qui sert de dépôt d’archives

Un dernier hangar, en pierre de taille et toit de tôle, relativement sec, offrirait sans doute une très belle salle de tri, comme le suggèrent d’ailleurs les rayonnages de bois tapissant toutes les parois de la pièce.

Enfin de retour au bâtiment principal, M. Youssouf nous laisse quelques moments pour discuter avec des collègues. Poussés par le démon de l’archivistique, nous ne pouvons résister au désir de soulever en une ultime tentative la trappe de bois desservant le sous-sol. Nous en avons raison et, très vite, nous descendons prudemment les marches que les 10 cm de crasse ont rendu périlleuses. Arrivés dans une pièce de 4 mètres sur 4, dans une atmosphère saturée par la poussière et les odeurs pestilentielles (le vasistas ayant visiblement servi d’urinoir pendant plusieurs années…), où reposent sur 50 cm d’épaisseur à même le sol des archives dans le désordre le plus complet. Sur les murs, 10 mètres linéaires environs de documents attirent en particulier notre attention : ce sont des archives anciennes, antérieures à la 2de Guerre Mondiale pour certaines, concernant tant les navires et le transbordement des marchandises arrivées par voie maritime que le personnel et la gestion logistique de la compagnie.

Vue de l’interieur de la cave sous le bâtiment de la direction

De retour à l’air libre, nous arrivons tout de même à refermer la trappe et à convenir d’un autre rendez-vous, pour nous confronter cette fois-ci au monstrueux serpent qui nous attend tapi dans les combles…

Mardi 26 avril

Le colloque commence : compte-rendu et photos

Le colloque commence…

Ce sont les travaux sur le chemin de fer qui sont évoqués en premier mais par un biais peu être un peu inattendu tant nous sommes focalises sur une source papier qui a été le moteur de nos missions successives.

L’orientation des travaux est clairement en faveur d’un focus sur les sources de l’histoire de la région, notamment les sources orales dont la collecte est nécessaire, urgente et à organiser :
 Nécessaire car l’oralité couvre une part importante de l’histoire régionale et complète très largement un écrit très peu répandu avant le début du 20e siècle, période qui a vu la « démocratisation » des supports tels que l’encre et du papier.
 Urgente car les acteurs disparaissent, ils sont dispersés sur une large région qui couvre la corne de l’Afrique et le Yémen, ils sont encore nombreux et linguistiquement différents.
 A organiser pour que la collecte se fasse dans les règles de l’art mais aussi pour former les acteurs de cette collecte eux même.

Les organisateurs :

Dr Adawa Hassan Ali Ganta, Directeur du Centre de Recherche Universitaire de Djibouti (à gauche) et Jean François Breton, Attaché Culturel Français, Institut Français Arthur Rimbaud

Cette priorité est réitérée tout au long de la journée avec les travaux du Centre Français d’Etudes Ethiopiennes et en particulier ceux de Thomas Osmond sur la ville de Harar, Aramis Houmd Soule sur l’histoire des Afars dansla Cornede l’Afrique mais aussi ceux évoqué par Nazar al Hadithi de l’université de Sanaa.

L’espace géographique apporte une complexité supplémentaire évoquée au travers de deux interventions, l’une sur un quartier emblématique de Djibouti (« Mémoires urbaines de Balbala ») par Amina Said Chire (problématique cadastrale) et l’autre intitulée « Des frontières et des hommes : sources et enjeux » par Simon Imbert-Vier.

Il apparaît clairement que loralité a longtemps et jusque très tardivement, une valeur plus importante que l’écrit. L’écriture a quant à elle accompagné une transition, d’une monarchie nomade vers un pouvoir centralisateur. Cette transition a eu lieu en Ethiopie avec le règne de Ménélik II, qui stabilise sa capitale à Addis Abebas dans le dernier quart du XIXe siècle.

Le lien avec la Compagnie se fait très simplement avec une initiative en cours en faveur de la collecte des témoignages oraux des salariés dela Ciein situ par Hugues Fontaine. Ces témoignages sont prévus pour être publiés fin 2011 accompagnés des photographies des personnes interrogées.

Colette Dubois entame la succession d’exposés par ses travaux sur le Centre de formation des agents du Chemin de fer et notamment le recueil d’entretiens qu’elle a réalisés.

Colette Dubois, Université d’Aix Marseille et Adawa Hassan Ali Ganta

Le postulat est de rappeler que la Compagnie a réussi à maintenir un minimum de fonctionnement jusque très tardivement et ce malgré les difficultés qu’elle connaît actuellement car des les années 1950, les conducteurs, mainteneurs et tout le personnel technique ont été solidement formés.

C’est une révolution technologique qui en est la cause avec l’arrivée des machines diesel. Le décalage a été dune telle importance qu’un plan de formation est devenue vitale pour mettre le personnel a niveau.

Le mode de recrutement a ainsi été modifié. Les entrants n’étaient plus forcement fils de cheminots. Ils étaient recrutés désormais a la suite d’un concours d’entrée. Ce mode de recrutement a par ailleurs aussi profité aux Ethiopiens. Le personnel ainsi sélectionné, était envoyé à Madagascar pour poursuivre sa formation en français, langue unique pratiquée par tout le personnel de la Cie. Au delà du simple fonctionnement administratif, il était essentiel que l’ensemble du personnel puisse comprendre les consignes et ordres tout au long de la voie et assuré ainsi une sécurité totale de circulation.

Avec l’indépendance de Madagascar et notamment du fait des réformes du nouveau pouvoir malgache à l’encontre du français, les cheminots ont été envoyés en France.

Cette génération de salariés est en train de disparaître d’où ce travail de collecte orale.

Nous exposons alors nos travaux.

Nous avions eu de la part des organisateurs, une demande pour évoquer notre méthodologie de travail et profiter ainsi de la dispenser à l’auditoire a travers l’exemple du traitement des archives de la Compagnie.

Nous rappelons tout d’abord le rôle d’ASF est surtout son rôle de facilitateur, mais aussi la capacité de l’association à offrir une expertise tout en rappelant aux acteurs locaux qu’ils sont maitre de l’action. Ils doivent porter le projet et nous les aidons à le faire aboutir.

Évoquer notre expertise est l’occasion de rappeler la notion de respect des fonds, l’intérêt des documents organiques (organigrammes, statuts, textes définissant les principales fonctions etc.) dans la première approche mais aussi la constitution d’un bordereau de versement à la fois outil d’enregistrement, de structuration de premier niveau mais aussi outil logistique et pour maîtriser la gestion des volumes et du métrage linéaire. Plusieurs des participants ont évoqués ainsi les images du blog « Archivistes Éthiopie et Cie » de 2010, relatives au transport des archives en bleu de chauffe. Fichtre !!!

Compte tenu de l’absence de transfert à la NALE actuellement, c’est aussi l’occasion de rappeler que cet outil est pour la Compagnie, le gage de pouvoir procéder a un récolement régulièrement et avoir conscience de tout bouleversement dans le classement sinon constater l’absence de dossiers.

Enfin, nous terminons en rappelant que ces archives doivent être autant disponibles pour la Cie comme pour les chercheurs, ceci afin de pouvoir concilier les intérêts et demandes de tous.

Les travaux se sont poursuivis avec Simon Imber-Vier qui évoque l’histoire des Archives depuis la toute première Compagnie impériale tandis que Shiferaw Bakele, professeur au département d’histoire de l’université d’Addis Abebas élargie quant à lui le champ à l’histoire chaotique des archives éthiopiennes jusqu’à la période contemporaine. (Nous l’avions déjà rencontré à Addis Abebas l’an dernier).

Nous avons retrouvé notre grand ami Atkil Assefa, Directeur des Archives et de la Bibliothèque Nationale D’Ethiopie (NALE), qui s’exprime à la suite du professeur Bakele et pour rappeler les problématiques de collecte. Il confirme son engagement en faveur d’une solution avec le Directeur de la Compagnie à Addis Abebas, rappelant tout le travail déjà fait par ASF.

Laurent Ducol, Atkil Assefa et Vincent Bouat

Eloi Fiquet conclue la journée en constatant la volonté de rapprochement affichée par les représentants des Universités et Centres de recherche dans le cadre d’une vision régionale et pour tenir compte de l’histoire des populations de la Corne de l’Afrique et du sud de la Mer Rouge.

Il retient la demande de méthodologie des acteurs. En aparté c’est clairement une demande des Djiboutiens comme des autres chercheurs des pays représentés de poursuivre une coopération, notamment avec ASF que ce soit pour le traitement mais aussi au delà avec un volet formation en archivistique.

L’ensemble du programme est disponible sur le site du CEMAF.

Sous Les Palmiers, poème de Jules Supervielle

Il fait à Djibouti si chaud,
Si métallique, âpre, inhumain,
Qu’on planta des palmiers en zinc
Les autres mourant aussitôt.
Quand on s’assied sous la ferraille
Crissante au souffle du désert,
Il vous tombe de la limaille,
Bientôt vous en êtes couvert.
Mais vous possédez l’avantage,
Sous la palme au fracas de train,
D’imaginer d’autres voyages
Qui vous mènent beaucoup plus loin.

Jules Supervielle, Sous Les Palmiers.
Débarcadères.
Œuvres poétiques complètes.
Ed. NRF Gallimard.

Mercredi 27 avril : deuxième jour de colloque

Compte rendu et photos du colloque

La journée s’annonce importante pour les participants et notamment pour nous dans la mesure où, consacrée à l’état des sources de l’histoire djiboutienne et des travaux scientifiques sur le pays, nous attendons des communications sur le chemin de fer mais aussi une réflexion plus large sur la préservation et la conservation du patrimoine archivistique. La première intervention, du directeur du centre de recherches universitaires, Adawa Hassan Ali Ganta (qui nous accompagne souvent et nous a aidé à maintes reprises pour trouver les interlocuteurs privilégiés), ne nous rassure guère mais confirme les craintes. Il pointe en effet l’absence de politique archivistique à Djibouti et le manque de connaissances sur les fonds pouvant exister. Les problèmes de conservation et de classement sont également évoqués. Cela dit, le « docteur Adawa » (c’est ainsi qu’il est interpellé dans la rue, environ toutes les deux minutes, avec familiarité et respect) rappelle l’existence d’archives conservées par l’IFAR (Institut français Arthur Rimbaud) qui, semble-t-il, a joué le rôle de dépôt légal pendant plusieurs années ainsi que de fonds aux Archives nationales d’Outre-mer d’Aix-en-Provence, à celles de Paris-Fontainebleau-Pierrefitte, à la Bibliothèque nationale, et également de tentatives malheureusement sans lendemain amorcées notamment par le professeur Colette Dubois dans les entreprises. Cette transition lui permet de revenir sur la méthode –et ses limites – avec le rôle prépondérant des hommes dans les enquêtes, les problèmes de datation et le nécessaire croisement des sources écrites et orales.

Article sur le colloque publié le 28 avril dans le journal La Nation

Lukian Prijac, de l’Université de Bretagne Sud présente ensuite son projet de guide des sources de l’histoire de Djibouti et de l’Ethiopie, à travers les documents conservés dans les bibliothèques et archives de France. Il revient sur la genèse du projet, les démarches entreprises et les nombreux inventaires dépouillés, ainsi que de la poursuite de son enquête auprès des Musées de France. Ce projet s’inscrit avant tout dans une volonté de mettre à disposition des références de sources encore inédites, conservées aussi bien dans les Archives municipales que départementales, comme à la Cour des comptes. A sa suite, Wolfberd Smidt de l’université de Mékélé (Ethiopie) évoque un épisode sanglant de l’histoire de Djibouti, dont il est parvenu à établir un déroulement exact à travers l’analyse critique des sources : la tentative d’annexion de Tadjourah par l’Egypte en 1875. Il montre l’idéologisation de cet événement par le pouvoir éthiopien de l’époque et dont les archives consultées au Ministère français des Affaires étrangères et européennes, au Foreign Office, aux Archives de Bern montrent une analyse toute différente : à l’expédition militaire dénoncée par le roi des rois, les services d’archives occidentaux adhérent plutôt à l’idée d’une expédition de colons plus pacifique.

Après le constat de l’absence de Mohammed Doualé, conseiller à la Présidence et apparemment à la tête du projet d’Archives nationales, qui devait intervenir sur la mémoire administrative de Djibouti, M. Houmed Gaba Maki, chargé de la culture pour le sultanat de Tadjourah, revient sur la méthode de fabrication des encres, avant de nous exposer la collecte de manuscrits auxquels il s’est livré et qu’il détient aujourd’hui chez lui. Cette collection comprend notamment des livres de maîtresses du Coran. Il évoque également sa volonté de pouvoir contacter des services ou administrations appropriées qui pourraient l’aider à mieux préserver ces documents, parfois déjà détériorés (notamment par les termites)… Pour clôturer cette matinée déjà riche et dense, Amina Said Chiré revient sur la construction de Balbala, faubourg de Djibouti-ville, construit en 1966 après la mise en place de barrages et champs de mines par les Français pour empêcher l’exode à Djibouti-ville de populations de la campagne. Les catastrophes naturelles ayant touché ce faubourg « sans mémoire » sont évoquées, mais les archives manquent pour étudier ce phénomène qui s’amplifie avec la révolution éthiopienne de 1974 et qui porte la population de Djibouti de 60 000 habitants en 1967 à300 000en 1985.

Une pause déjeuner (bien méritée !) nous attend au « Café de la Gare », récemment rénové, et dont l’ambiance colorée et chaleureuse, ainsi que la cuisine, nous plongent au bord de la mer Rouge, entre Afrique et Yémen. Après quelques brochettes nous nous levons péniblement à l’appel du devoir archivistique.

Les nouvelles pistes de recherches sont abordées et Colette Dubois lance un plaidoyer pour le renouveau de l’histoire économique et sociale de Djibouti à travers des fonds qui pourraient être exploités, comme ceux de la Chambre de commerce de Djibouti, ou de la Banque Indo-Suez, ancienne Banque d’Indochine. D’autres fonds, comme ceux des Postes, des Tribunaux islamiques, ou encore des Dockers pourraient constituer autant d’axes d’études et de possibilités d’interactions avec l’anthropologie. Mohamed Omar, ancien directeur des impôts reconverti dans la recherche rebondit sur le sujet en racontant les difficultés vécues par le manque de sources et le manque d’intérêt pour les archives à Djibouti. Il rappelle la création d’une direction nationale des Archives en 2000 qui n’a jamais été dotée et le directeur jamais installé ainsi que la formation d’archivistes à l’Université de Djibouti qui ne sont malheureusement pas restés dans le métier. Suit également l’évocation de quelques fonds essentiels, comme ceux de l’enregistrement, de la conservation foncière, de l’état-civil et du tribunal de la Charia. Le débat se lance ensuite sur la nécessité de formation et de législation en matière d’archives, qui permettrait d’éviter un grand nombre de destructions…

Pour terminer cette journée, Marian Nur Gomi de l’EHESS présente son projet de thèse sur les archives des photographes djiboutiens et sur leurs pratiques au regard de la révolution numérique (et notamment à travers les usages fait de Photoshop et d’autres logiciels). Enfin, Sadik Safwani, professeur à l’Université de Taiz au Yémen revient sur les archives privées de Yéménites habitants de Djibouti et dont l’exploitation révèle de nouvelles approches sur la politique régionale des puissances occidentales au XXe siècle.

Adawa Hassan Ali rappelle que les représentants d’ASF sont dans la salle et que leur présence symbolise les compétences techniques dont Djibouti, et en particulier le chemin de fer, pourrait disposer, si une demande officielle était faite. Nous prenons la parole pour rappeler que c’est bien aux acteurs djiboutiens d’agir. Le temps passe : ce colloque vient le rappeler et met bien en évidence que la collecte des témoignages oraux presse, que la situation des archives traditionnelles est dramatique, et que si le numérique représente pour certains une solution à tous les problèmes, il n’en faut pas moins oublier que ce dernier fait naître de nouveaux enjeux de conservation…

Dîner à la Résidence de France

A peine de le temps de prendre une douche bien nécessaire (et de tenter d’envoyer la mise à jour du blog, sans succès…), nous voilà partis pour la Résidence de France où l’ambassadeur, M. René Forceville, nous fait l’honneur de nous recevoir à dîner en compagnie de M. Denis Soriot, conseiller culturel et de son adjoint M. Jean-François Breton. Cette soirée permettra de poursuivre les échanges autour du patrimoine et des archives et de mieux faire connaissance avec les autres participants du colloque que nous retrouverons le lendemain matin pour une visite de la Gare. En attendant c’est toujours aussi exténués, mais un peu plus bronzés, que nous partons nous coucher.

De gauche à droite Laurent Ducol, Jean-François Breton, René Forceville, Vincent Bouat, Nazar Al Hadithi, Sadik Safwani et Thomas Osmond
Jeudi 28 avril 2011

Le colloque est terminé mais de nouvelles pistes s’ouvrent à nous

7h30 : nous nous rendons à l’Institut Arthur Rimbaud, retrouver une partie des intervenants pour la visite des lieux, et notamment des fonds documentaires concernant la région. Nous repérons des ouvrages intéressants sur le chemin de fer mais au delà sur des questions économiques et sociales. L’IFAR conserve par ailleurs, un fonds d’une trentaine de mètres linéaires de documents relatifs à Djibouti (rapports techniques officiels, mémoires de recherches, etc.).

Nous poursuivons tous ensemble en direction de la Gare pour une nouvelle visite des lieux. Nous retrouvons le Directeur, son adjoint ainsi que 2 employés du Chemin de fer qui nous accompagnerons. Le Directeur nous confirme son plein soutien tout en nous rappelant la difficulté qu’il a, de passer le message au sein d’une partie du personnel de la Compagnie dans le contexte actuel.

Nous parlementons pour obtenir l’accès aux locaux du RDC et des combles, fameux nid du Serpent géant. Rien n’y fait.

Nous constatons que le vasistas de la cave dans laquelle nous sommes descendus, a été bouché depuis notre dernier passage. Ce ne sera plus un déversoir à détritus en tout genre qui couvrait les archives entassées dans ce petit espace. En revanche, le cauchemar de cette pauvre cave continue, bien hermétiquement isolée sans espoir de ventilation à présent. Dans quel état trouverons-nous ces documents lors de notre mission de sauvegarde que nous espérons prochaine ????

Nous sommes contraints de temporiser et d’entamer un tour de la concession qui nous comble bien au delà de nos attentes.

Nous reprenons le même trajet que la première fois (lundi 24 avril). Nous rejoignons l’entrée centrale. Sur la façade dela Gare, le nom de la Compagnie était affiché par le biais d’un panneau lumineux. Il a été brisé en 2 morceaux il y un mois, une moitié était encore présente lundi. Aujourd’hui il n’en reste rien.

Un des chercheurs dispose heureusement de la photo d’origine prise par hasard il y a 2 mois !

Nous passons dans le couloir central qui nous conduit aux quais puis longeons et finalement traversons les voies. Nous rejoignons les entrepôts tandis que les employés nous expliquent sur le trajet, le fonctionnement des matériels. Mais grave erreur technique : aucun d’entre nous ne dispose d’appareil d’enregistrement ! Ma batterie d’appareil photos vient de virer au rouge en prime ! Chercheurs et archivistes se retrouvent désormais solidaires dans la collecte et crayon à la main, tous notent frénétiquement !

Nous rencontrons les premières installations : la pesée des wagons de marchandises avant leur approche des dépôts, l’approvisionnement en carburant de la gare (les wagons citernes pouvant longer les dépôts de stockage), puis de nombreux wagons de marchandises et passagers qui roulent encore pour certains.

Chef d’atelier

Nous entrons dans les hangars, visitons les machines et parcourons tous l’espace des ateliers avec un des responsables de la maintenance qui nous explique par de grands gestes comment étaient soulevées les locomotives par des systèmes de vérins combinés avec la force humaine ! un autre employé du chemin de fer nous explique le fonctionnement de la forge et de tout le processus de restauration des boggies, les machines destinées à la coupe des rails, les presses etc. L’accès avec la pointeuse et les boîtes à fiches sont encore en place, nous attendrions presque plus que les employés. Malgré tout, il ne faut pas ignorer l’état d’abandon général des installations, la couche de rouille et les ronces, les débris de locomotives à vapeur dont ne reste que la chaudière éventrée et remplie de gravas et de détritus.

Archives de la Voie

Le toit des hangars est heureusement en bonne état, fait de poutrelles métalliques à intervalles réguliers qui permettent de tenir une armature de béton incurvé. C’est certainement un des derniers gages de protection de ces installations.

Jean François Breton par ailleurs évoque l’existence d’un chemin de fer en Erythrée, construit par les Italiens peu avant le djibouto – éthiopien. Il est en parfait état de marche, car restauré par le gouvernement érythréen pour un projet touristique.

Nous continuons en direction d’un local isolé qui se révèle contenir une 20aine de mètres linéaires d’archives de la Voies, Ateliers et du matériel roulant rangé dans les mêmes éternels casiers métalliques au milieu d’un fatras en tout genre de bureaux, mobiliers ensevelis sous les gravas et la poussière. Le tout reste en bon état de conservation.

Nous revenons progressivement sur la gare en poursuivant nos découvertes de machines les plus diverses, chaudières et wagons. Certains d’entre eux sont complètement dépouillés de leur carcasse, seuls les boggies et le plateau sont intacts. Les wagons citernes sont encore en bon état. Nous pouvons visiter encore quelques wagons de voyageurs qui ont mieux résisté que les carcasses de bois des wagons de marchandises.

De retour à l’entrée de la gare

Nous nous rassemblons au pied des bâtiments administratifs comme pour un « sit in » ultime et obtenir enfin l’ouverture des derniers locaux. Colette Dubois rappelle encore à l’attention du Directeur dela Compagnie, avoir vu les dossiers de personnel au RDC, confirmé par Jean François Breton qui les avait aussi identifiés lors de sa visite quelques mois auparavant.

Un premier obstacle fini par sauter. La lumière ayant été rétablie dans un local que nous avions fouillé lundi sans succès, Vincent repère alors une porte qui permet d’atteindre l’escalier qui mène aux combles. Un des cheminots dans un enthousiasme certain, fait littéralement sauter la serrure. Nous arrivons sur une plateforme et à 2,5 m de haut, une porte et ce fameux escalier qui permet d’accéder aux sous pentes. Les employés ramènent alors un bureau et une chaise. Vincent peut accéder aux premières marches avec un des cheminots. Au sommet cependant : ni archives et ni serpent géant. Si nous sommes un peu déçus par le premier constat, le second en revanche aurait été certainement plus difficile à gérer.

A partir de là, l’élan général fini par emporter les dernières résistances, les serrures soudées du RDC, ne nécessitent guère plus qu’un simple tour de clé pour s’ouvrir comme par enchantement. Les derniers fonds sont mis au jour : dossiers de personnels, plan de construction et d’aménagement des gares de la ligne en territoire djiboutien et comptabilité y compris du Club des Cheminots.

L’ensemble prend forme avec le fonds des dossiers de la Voie trouvé quelques heures avant mais aussi les différents fonds déjà localisés lundi : gestion du personnel, les statistiques dans les bureaux, les dossiers de la cave, les 12 m3 d’archives commerciales liées au trafic dans les hangars de bois.

C’est plus que satisfaits que nous pouvons considérer un des objectifs de la mission bel et bien atteint avec la localisation de ces fonds. L’adjoint du directeur dela Compagniea commencé à s’informer auprès de nous, de la place qu’il nous faudrait pour traiter / stocker en prévision de notre retour.

Une douche et bon déjeuner nous remettent d’aplomb et nous partons visiter le quartier de Balbala, sujet de l’intervention d’Amina Said Chire pendant le colloque et qu’elle nous fait elle même visiter en voiture. Les populations sont installées dans des baraquements en tôles qu’elles ont aménagés. Elles ne veulent pas les quittés au profit de maisons en dur et préfère rester proche de la ville parfois en plein milieu du lit de l’oued dont on sait que les flots emporteront tout lors d’une prochaine crue. La dernière, de 2004, avait porté l’eau jusqu’à la place Rimbaud au cœur de la ville.

Nous revenons sur la place Ménélik, un passage au cybercafé, un temps sous les arcades de la place pour une pause réparatrice et nous retrouvons par hasard certains de nos amis du colloque. Nous préparons avec eux notre sortie de demain le long de la voie jusqu’à la frontière djiboutienne, sinon au moins jusqu’au viaduc de type Eiffel de Hol-Hol situé à 52 km de Djibouti à la sortie dela Garedu même nom, à 438 m d’altitude au dessus du niveau de la mer. Départ prévu au plus tard à 7h30 avec une provision d’eau suffisante….

Photos et vidéo de « l’expédition » le long de la voie de chemin de fer

Vendredi 29 avril 2011. Et pourtant… il roule !

Debouts de bonne heure, à 6h30, pour éviter les fortes chaleurs de la fin de matinée et surtout pour préparer le départ de « l’expédition » le long de la voie de chemin de fer, jusqu’à Hol Hol, à une cinquantaine de kilomètres de Djibouti-Ville.

Le rendez-vous étant pris à l’hôtel où la majorité des participants du colloque logent, nous nous y retrouvons et buvons quelques cafés qui ne seront pas de trop pour finir de nous réveiller. Après avoir mis à l’abri dans des glacières les réserves d’eau, nous montons dans les 4x4. Celle de l’université embarque 5 personnes, celle de Jean-François Breton 4. Nous verrons plus tard qu’il est toujours utile de garder un peu d’espace…

Direction Balbala, commune tentaculaire à la périphérie de Djibouti-Ville dont l’entrée est marquée par un mirador installé par les Français pour empêcher l’afflux de migrants ruraux dans la ville. Au lieu de nous engager vers le centre, nous bifurquons au sud et nous arrêtons une première fois sur le campus de la future université destiné à abriter 10 000 étudiants dans de bonnes conditions, les anciens bâtiments étant situées en zone inondable et ayant atteint depuis un bon moment leur saturation.

Nous longeons pendant plusieurs kilomètres une piste relativement praticable où les poubelles de Balbala s’entassent sans fin, dans une proximité dangereuse avec quelques habitants exerçant de petits métiers. Les plus chanceux (dont nous tairons pudiquement les noms) profitent de l’air climatisé de la voiture de l’Université, alors que les autres, toutes fenêtres ouvertes, subissent à la fois les rafales de vent brûlant et les relents insupportables s’échappant des charognes de chameau qui sèchent en plein soleil.

Sur la piste

Au bout d’un peu moins d’une heure, la voie ferrée apparaît. Un passage à niveau marque la première étape du train, et à l’ombre d’un petit acacia attendent un groupe de femmes qui attendent un improbable bus. Nous sortons des voitures et prenons quelques photos tant de la voie et du matériel (notamment les traverses provenant de Longwy) que du paysage alentour où se détachent au loin des montagnes. Avant de partir, Khadija et son nourrisson, Souleymane, nous demandent de les accompagner à Hol-Hol où elle doit se rendre pour récupérer quelque argent. Nous promettons de l’embarquer à notre retour de Chebelley.

Khadija et Souleyman

Nous continuons notre route, nous arrêtant de temps en temps pour photographier, là un passage à niveau, là un ouvrage d’art.

Premier passage à niveau (Laurent Ducol, Vincent Bouat, Adawa Hassan Ali)

Chebelley, 30 mn d’arrêt. Les bâtiments de la gare se distinguent nettement avec leur couleur verte et marquent une étape avant le franchissement d’un viaduc enjambant un oued profond. Les enfants du village nous accueillent et se rassemblent pour nous accompagner à la gare (avant de disparaître pour emprunter – sans autorisation – une grande partie de nos réserves d’eau…). Le chef de gare, réveillé un peu abruptement de sa sieste, nous montre ses locaux, sa radio, et nous explique son travail.

La gare de Chebelley

Reprise de la route, nous embarquons Khadija et son bébé vers Hol Hol. Les oueds ont obligé les ingénieurs du chemin de fer à construire un certain nombre de petits ponts permettant l’évacuation des eaux dont la construction et l’entretien semblent de bonne tenue. Un nuage au loin : nous n’en croyons pas nos yeux mais il semble bien que ce soit un train qui arrive. Appareils photos au poing, nous courons pour prendre les clichés de cette machine que nous avions vu à l’arrêt et qui suit sa route à environ 60 km/h vers l’Ethiopie…

Vidéo du train (voir sur Youtube)

Après l’avoir regardé s’éloigner, nous reprenons nous aussi notre route vers Hol Hol alors que la température monte inlassablement. La route nous laisse voir par endroits une gazelle ou un chameau, mais nos yeux sont surtout attirés par la voie que nous longeons jusqu’à l’arrivée à destination. Toujours le même accueil par les enfants, alors que les cabris préfèrent rester à l’ombre de deux wagons abandonnées sur une voie de relégation après un accident (du moins peut-on le supposer, vus les dommages que nous constatons).

Hol Hol et...
... son viaduc

Les bâtiments de la gare sont du même acabit qu’à Chebelley et nous en prenons quelques photos. Malheureusement, nous ne pouvons photographier le viaduc de Hol Hol car un terrain militaire apparaîtrait sur les photos… Nous descendons donc la piste en longeant le versant parallèle à la base ce qui nous permet de prendre quelques clichés de l’ouvrage sans que les installations soient visibles. Au départ, nous voulions continuer la piste mais celle-ci s’avère trop défoncée : après un rapide cours de botanique dispensé par Amina Said Chiré, nous reprenons notre route en sens inverse et redéposons Khadija au même endroit. Le temps d’ouvrir la porte, deux hommes prennent place à l’arrière mais la vitesse à laquelle nous roulons et les cahots du chemin ne nous permettent pas pour des raisons de sécurité d’embarquer des passagers à l’extérieur du pick-up.

Retour à l’hôtel, exténués et rougis par un soleil implacable : un sandwich et un café plus tard, nous repartons dans le centre pour une connexion internet. Rendez-vous au club éthiopien à 20h, à côté de la cathédrale orthodoxe éthiopienne. Nous partons directement du café internet et arrivons en plein meeting : deux à trois cents personnes écoutent, en le ponctuant d’applaudissements, un orateur qui lève des fonds pour la construction d’un barrage titanesque en Éthiopie. Nous montons à la terrasse pour déguster des injeera, ces crêpes de tef fermentées accompagnées de viandes et légumes variées à prendre à la main dans un même plat. Djibouti offre l’avantage d’être à la confluence de plusieurs traditions, ce qui nous aura permis d’explorer les sources gastronomiques autant qu’archivistiques !

Après ces agapes, nous rentrons à l’hôtel, avant notre dernier jour, consacré aux bagages et à une célébration marquant l’anniversaire de la bataille de Camerone et le départ de la Légion étrangère de Djibouti prévu en fin d’année.

Samedi 30 avril 2011 : fin de la mission

Nous entamons notre dernière journée de mission par un démarrage en douceur pour récupérer un peu. Le thermomètre la veille fleurtait avec les 45 degrés et nous avons eu du mal à trouver un peu de fraicheur. Nous avons eu du mal à trouver le plus petit courant d’air durant la semaine écoulée tandis que les soirées restaient à peine aux frontières du supportable. Djibouti entre dans sa saison chaude qui durera jusqu’au mois d’octobre.

Nous profiterons de cette ultime journée pour saluer tous ceux que nous avons croisés. Nous passons par le Centre de Recherche pour déposer nos films et nos photos. Nous en profitons pour faire un point avec géographes et historiens sur la ville de Djibouti et localiser les principaux quartiers historiques sur la carte. Cela nous permettra de préparer une éventuelle prochaine mission  : la gare, les dépendances immédiates (logements des cheminots et des cadres) mais aussi maison du directeur, club des cheminots, très belle propriété que nous avions vu de l’extérieur quelques jours auparavant. Il est situé à côté de l’ambassade des Etats Unis. Le bâtiment a encore belle allure avec ses arcades en façade. Il est à présent abandonné et commence à être envahi par la végétation. Nous localisons les concessions liés aux tractations entre l’Éthiopie et la France de l’époque : celle de la résidence d’Haïlé Sélassié, rasée depuis et remplacée par l’ambassade d’Éthiopie et enfin les entrepôts de l’ancien port avant que celui ne soit récemment réaménagé. Ceux ont été rasés et sont pour partie remplacés par 2 bâtiments toujours liés à l’Éthiopie : une église et « le club éthiopien » où Jean-François Breton nous a invité à dîner la veille pour clore notre expédition le long de la ligne de chemin de fer. Nous ferons un dernier passage place Ménélik puis retour à notre hôtel pour préparer nos bagages.

Nous avons prévu de nous rendre pour 17h30, à la messe qui a lieu à la cathédrale de Djibouti. Le bâtiment est assez étonnant. Il se devait d’être discret en pays musulman. Il a été très bien restauré avec une haute façade tapissée de nacre qui lui donne des reflets argent magnifiques. L’intérieur est de forme assez simple : rectangulaire, le chœur en arc de cercle, pas de chapelle. C’est une chorale composée de légionnaires qui nous accueille. Nous avons en effet l’opportunité de pouvoir assister, à travers cette cérémonie qui commémore la bataille de Camerone, à l’un des événements qui marquera la fin d’une histoire, celle de la présence de la légion à Djibouti qu’elle quittera d’ici deux mois. L’ambiance et les chants des légionnaires nous impressionnent. A l’issue nous saluons l’ambassadeur qui, comprenant qu’il nous sera difficile d’assister à la suite des cérémonies sans risquer d’être en retard pour l’aéroport, nous propose son aide et nous emmène au Plateau du Serpent, esplanade située au nord est de la ville et pour assister à l’ultime prise d’arme de la Légion. Il veille à ce que nous soyons correctement placés parmi le public. Un spectacle assez surréaliste avec jeu d’ombre et lumière se déroule alors pour la présentation successif des différents corps, remise de décorations, défilé des différentes armes. A l’issue, c’est dans le véhicule du chef de corps de la 13e DBLE que nous regagnons la base, juste le temps d’attraper nos bagages bouclés dans la hâte. Nous filons pour l’aéroport et embarquons pour Paris.

Cet étonnant périple s’achève donc à la fois au contact d’une communauté pluridisciplinaire d’historiens, de géographes et d’hommes politiques qui semble se mettre en mouvement en faveur de son patrimoine écrit, oral et architectural mais aussi avec l’image fugitive de notre train légendaire et l’épilogue d’une tranche de vie d’un des corps les plus emblématique de l’armée française.



 

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