Arrivé au Caire hier soir lundi 19 décembre, mon accompagnateur des Archives nationales m’a fait passer en voiture par le Musée égyptien, juste derrière la place Tahrir et sous les fenêtres du Ramsès Hilton où sont réfugiés et trop souvent claquemurés des nuées de photographes du monde entier. Rien de bien particulier dans la brume empoussiérée de cette soirée au bord du Nil, imperturbable comme à son habitude.
Premier signe des temps que nous vivons : la soirée inaugurale à l’Opéra de notre colloque consacré à Archives et Révolution est annulée pour ce soir. Secondement et surtout, je suis allé avec un collègue suisse de Berne et un archiviste du Qatar rendre visite à nos hôtes aux Archives nationales d’Egypte, Cornich al Nil : grosse agitation, va et vient de camions découverts qui amènent en un flux ininterrompu les restes des ouvrages brûlés et humidifiés de l’Institut d’Egypte ; ceux-ci sont étalés à même le sol dans le jardin du devant de la rue, dans tous les étages, jusqu’à la terrasse.
Une foule bigarrée contribue à la mise en sachets plastiques qui servent aussitôt à déshumidifier sous vide les collections par une méthode rapide qui semble efficace et plus opérationnelle que notre lyophilisation ; une mission australienne est déjà à l’oeuvre avec des Britanniques et, au milieu, à côté de militaires bien pacifiques malgré leurs tenues camouflées, armes automatiques, pistolets et bérets rouges, une délégation de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire avec en tête Sylvie Denoix en jean et sur le pont comme tout le monde.
Par terre, en vrac et dans le plus grand désordre, ce qu’il reste de la Description de l’Egypte dévorée par les flammes et achevée par l’eau et les extincteurs ; des documents archéologiques grand in folio en allemand, quelques ouvrages plus anciens, des périodiques dont les séances des Tribunaux mixtes, et surtout une nuées de revues des sociétés savantes de France surtout (Académies de Caen et de Lyon en particulier) mais aussi du monde entier, du Maroc, de Madagascar etc. Pas remarqué de manuscrits. Deux bustes en bronze, dont l’un peut-être de Ferdinand de Lesseps.
En général, tous ces ouvrages étaient déjà depuis longtemps dans un état critique comme nous avions pu l’observer lors d’un de nos précédents voyages.
J’ai bien noté que la direction du livre et des archives fait face admirablement à cet imprévu en facilitant au maximum l’accueil de tous ces ateliers et en dégageant de la place y compris sur les rayonnages compacts. Il faut se rappeler que l’atelier de restauration et de préservation des Archives nationales d’Egypte au Caire, est remarquablement installé et pourvu d’un personnel compétant et actif : je l’avais à nouveau longuement visité au mois de juin dernier comme en 1992.
Que pourrions-nous faire en cette circonstance ? D’abord ma visite correspond bien à notre soucis constant de marquer notre présence amicale et chaleureuse auprès de nos amis égyptiens qui vivent une période de transition mouvementée et difficile : en ce sens ma présence par hasard aujourd’hui-même a quelque chose de providentiel. Ensuite il faut accélérer la numérisation des sources de l’Egypte moderne comme nous en avons renouvelé l’intention par convention signée il y a six mois et inscrit à notre budget prévisionnel 2012. Je me demande enfin si ce n’est pas justement la vocation de la Bibliothèque de Jean-Edouard Goby, qui fut membre de l’Institut d’Egypte aux côté de Taha Hussein, de Philippe Lauer et du P. Anawati, de revenir dans ces collections en Egypte qui semblent devoir désormais être nfin hébergées à la Direction du Livre et des Archives. Un don en argent serait certainement également apprécié. Je vous tiendrai au courant au fur et à mesure d’un nouveau séjour qui s’avère déjà aussi riche et mouvementé que prévu.
Dites moi ce que vous en pensez et tenez-moi au courant d’autres initiatives que vous connaîtriez par ailleurs. Bon Noël et excellente année nouvelle an attendant...
Arnaud Ramière de Fortanier
Ce témoignage a aussi été publié récemment dans La Tribune de l’Art