Premières impressions...

Jour 1 : Dimanche 24 avril 2022

Arrivées à Addis-Abeba tôt le matin par vol de nuit, nous gagnons notre hôtel pour nous reposer un peu avant de prendre contact avec la ville en ce dimanche de Pâques orthodoxe.
Addis-Ababa, « la nouvelle fleur »
symbolisée par la fleur jaune ou « fleur de Mesqel »

Premières impressions : une ville très étendue et vallonnée, très verte (Addis-Abeba ou « la nouvelle fleur », la bien nommée), avec un trafic limité en ce jour férié. On y croise des gens en habits de fête, souvent aux couleurs nationales.

Fête de Pâques oblige...
... nous sommes allées admirer l’ancienne église de la Sainte-Trinité.

Au musée national d’Éthiopie, nous allons saluer le squelette de Lucy, avant de regagner l’hôtel pour une séance de travail préparatoire aux réunions et visites prévues les jours suivants.

Le squelette de Lucy au musée national d’Ethiopie
découverte le 24 novembre 1974 à Hadar, sur les bords de la rivière Awash.
Ce n’est qu’une copie mais nous nous sommes assuré que l’original est bien conservé au musée.
Premiers constats...

Jour 2 : Lundi 25 avril 2022

Paul Alonso, consul, et Sara Dimaria, chargée de mission « Projets de Développement », passent nous prendre à l’hôtel et nous voilà parties à la découverte des archives dont ASF aura pour mission d’accompagner le traitement.

Première étape : les locaux du ministère qui avait la responsabilité de la Mission Adoption Internationale, avant que celle-ci ne soit transférée dans le nouveau ministère des femmes et des affaires sociales.

En effet, depuis le démarrage du projet, la situation administrative a évolué, ce qui a eu pour conséquence des fusions et des déménagements…

Nous allons là vérifier les informations qui nous avaient été communiquées par nos collègues de l’ambassade et par Éloi Ficquet, de l’EHESS, grand ami d’ASF et une de nos principales sources d’information en Éthiopie.

Le rapport détaillé d’Éloi se confirme : malgré un effort certain d’organisation et de conditionnement des fonds, les dossiers sont stockés au sous-sol dans des conditions de conservation insalubres, et selon divers systèmes de classement, dont les détails nous sont précisés par Narobisa, une employée du ministère impliquée dans le processus de recherche des dossiers d’adoption. Mais surtout, les séries de dossiers sont incomplètes : une partie des fonds se trouve encore dans les anciens locaux du ministère (que nous ne pourrons malheureusement pas visiter), mais le propriétaire espère bien s’en débarrasser rapidement. Et, grosse surprise, les deux containers que nous aurions dû voir près du ministère ont été déplacés !

Ouverture d’un container...
... même le consul s’y met !

Si les ASF sont habitués à être confrontés à des situations inattendues, nous n’en sommes pas moins inquiètes, car les containers avaient déjà été déplacés une première fois, avec pour résultat une pagaille infâme à l’intérieur : étagères renversées et tordues, dossiers éparpillés, caisses éclatées…

Au nouveau ministère des femmes et des affaires sociales
Container d’archives... et voici ce que nous découvrons à l’intérieur !

Nous retrouvons les containers au siège du nouveau ministère des femmes et des affaires sociales. L’un des deux ne peut pas être ouvert : un tas de terre en bloque l’accès. En ouvrant l’autre, nous constatons que le déménagement n’a rien arrangé.
Il est temps de faire un premier debriefing autour d’un café éthiopien (excellent).

Cette réunion se poursuit l’après-midi à l’ambassade : nous préparons avec Sara et Paul la rencontre du lendemain matin avec M. Ato Bellete et Mme Teru du bureau des affaires de l’enfance.

Il faudra revoir la convention de partenariat, et nous évoquons le délicat sujet de la communication des dossiers, qui constitue l’objectif principal de ce projet.

L’après-midi se termine par une visite à l’Alliance française, où nous découvrons d’émouvants témoignages d’enfants adoptés illustrés par des documents d’archives, des photos, des tableaux et de très beaux textes. Retour à l’hôtel pour digérer toutes ces informations. A demain !

Exposition à l’Alliance française
témoignages émouvants d’enfants adoptés
Premières réunions...

Jour 3 : Mardi 26 avril 2022

Journée « réunionite » : c’est absolument nécessaire à la préparation d’un projet. Prise de contact avec nos partenaires éthiopiens, échange avec d’autres acteurs potentiels du projet : il faudra ensuite reconstituer le puzzle des responsabilités, des compétences et des temporalités d’intervention pour chacun d’entre nous.

La journée démarre donc par une entrevue décisive avec Belete Dagne, directeur en charge de la protection de l’enfance, qui suit le projet depuis son lancement et tient à rester informé de sa mise en œuvre, même si le dossier de l’adoption internationale est désormais confié à Mme Teru, qui participe à la réunion. Le courant passe bien, nous sommes sur la même longueur d’ondes : Belete est parfaitement conscient des enjeux politiques et humains du respect du droit des enfants adoptés à connaître leurs origines à leur majorité, et du rôle des archives dans ce processus.

Vu dans le bureau de Belete...
... sans commentaire !

Un peu de contextualisation s’impose : depuis cette année, l’adoption internationale est officiellement interdite en Éthiopie. L’enjeu aujourd’hui pour l’administration éthiopienne est de faire face aux demandes émanant d’enfants adoptés qui recherchent leurs origines. L’accès aux archives joue donc un rôle clé dans la capacité à répondre à cette demande. Dès le début de l’échange, nous mettons l’accent sur la nécessité de mettre en place une procédure claire et transparente d’accès aux données, ce qui permettra également aux ASF qui interviendront pour traiter les fonds de proposer des solutions d’organisation adaptées à cette procédure. Des pistes de réflexion sont évoquées pour élargir le champ des sources disponibles produites par d’autres organismes.

Concernant le déroulement des phases du projet, il est un peu bousculé du fait de l’annonce surprise d’un prochain regroupement, dans les deux mois qui viennent, de l’ensemble des dossiers sur le nouveau site du ministère. C’est une bonne nouvelle si, toutefois, cette temporalité est respectée. Belete nous annonce même la construction d’une salle dédiée aux archives. Pour autant, nous mettons en avant la solution de containers aménagés sur le modèle de ce qui a été fait à Haïti par Véronique Parmentier, qui nous communique aussitôt informations et conseils : la communauté ASF est très réactive !

Le campus de l’ambassade est cerné par la forêt
petits poucets s’abstenir !

On retrouve d’ailleurs Cécile Lombard, chef du projet pour AsF, lors de la visio organisée l’après-midi par la Mission de l’adoption internationale du ministère des Affaires étrangères, en présence de Paul et Sara. L’objectif est de nous présenter un projet visant à accompagner les enfants adoptés en recherche de leur identité, avec l’aide de l’antenne française du Service social international, invitée à l’échange. C’est l’occasion d’insister sur l’importance de l’intervention d’AsF sur la phase d’organisation des archives pour permettre la mise en place d’un tel projet. Celle-ci sera d’ailleurs conditionnée, outre le regroupement des archives en un seul lieu, par l’identification d’un interlocuteur dédié aux aspects opérationnels du projet, en un mot un archiviste… C’est la deuxième grosse surprise du jour, et elle est de taille : nous pensions mener ce chantier avec une équipe déjà en place. Or nos interlocuteurs éthiopiens ont ce nouveau défi à relever avant l’arrivée de la mission opérationnelle.

Notre anglais a été mis à rude épreuve aujourd’hui. Avis aux futurs missionnaires !

Deux poèmes à l’Alliance française...
... ils ont inspiré notre journée
Premiers accès aux dossiers...

Jour 4 : Mercredi 27 avril 2022

La pluie annoncée n’est pas tombée et c’est sous un soleil piquant que nous examinons quelques dossiers tirés du container accessible. C’est que Sara nous a obtenu de haute lutte un nouveau rendez-vous avec Narobica, rencontrée le premier jour, qui cette fois-ci est accompagnée de son collègue Mulualem.

Dans une conversation où alternent anglais, français ou amharique, nous collectons nombre d’informations qui seront utiles pour préciser la nature, la composition des dossiers et leur mode de classement actuel.
Depuis lundi, une colonie d’insectes s’est invitée à l’entrée du container, sortes de fourmis volantes dont la piqûre nous dérange.

Examen de quelques dossiers sortis du container

Visiblement, Mulualem n’est pas au courant du projet AsF. Alors que nous lui fournissons quelques explications et des informations au sujet d’AsF, il demande quel est notre intérêt à faire ce travail bénévolement…Les explications de Sara en amharique ne le convainquant pas forcément de notre désintérêt, elle finit par lui dire : « C’est un hobby » !
C’est donc avec quelques réticences qu’il répond à nos questions. Heureusement, Sara est là… Nous aimerions en particulier comprendre quelle est la clé d’accès aux dossiers. Le sésame, ce sont quelques registres que nous finissons par voir, mais sans être autorisées à les manipuler. Nous finissons cependant par en tirer la substantifique moelle.

Mulualem nous confirme qu’il n’y a hélas au ministère ni archiviste, ni records manager. Cela signifie-t-il que les AsF devront travailler tout seuls ? Il nous propose enfin de faire un test de recherche portant sur deux dossiers à partir des registres. Nous voilà repartis vers les sous-sols, où sont toujours conservés la plupart des dossiers. Force est de constater que cela fonctionne, surtout grâce à la mémoire topographique de Narobica, puisque les dossiers ne sont pas classés dans l’ordre des numéros des registres. Mulualem doit nous abandonner : un enfant qui a été séparé de ses parents pendant le récent conflit attend qu’on le prenne en charge pour retrouver sa famille.

Sara avec Mulualem et Narobica

Après avoir testé deux spécialités culinaires éthiopiennes roboratives à base d’injera, nous consacrons une partie de l’après-midi à mettre en ordre les informations recueillies le matin. Un entretien avec l’ambassadeur clôture l’après-midi. Tant les avancées du projet que les obstacles possibles sont évoqués, de sorte que, le cas échéant, il soit en mesure d’intervenir en haut lieu.

Avant de quitter l’ambassade, intéressant échange avec Caroline Arnulf, attachée de coopération au développement, notamment sur un projet de valorisation du patrimoine industriel du chemin de fer Addis-Abeba – Djibouti. Cela ne vous rappelle rien ? Nos yeux se mettent à briller : peut-être une belle occasion de reprendre l’un des projets phares menés par AsF il y a quelques années.

Sara

Nous ne pouvons terminer ce carnet de mission sans évoquer Sara, notre ange-gardien, interprète à ses heures, sans laquelle bon nombre de nos questions seraient restées sans réponses. Il n’y a pas de situation pratique liée à cette mission qu’elle n’ait su résoudre, des rendez-vous clés avec nos interlocuteurs éthiopiens à la réservation des Ubers, en passant par le choix du café à ramener dans nos valises, pour ne pas oublier cette courte mais intense mission à Addis-Abeba.

Rendez-vous est pris pour la mission opérationnelle dans quelques mois. À suivre…



 

ASF-France ?
 

La section française d’Archivistes sans frontières (ASF-France) est membre d’ASF-International, créé en 1998 par des collègues catalans et qui dispose aujourd’hui de statuts internationaux.
En savoir plus

Adhérer / Participer
 

ASF-France est une association sans but lucratif dont le fonctionnement et les activités dépendent de l’investissement personnel des membres, du soutien financier de partenaires et de subventions institutionnelles.
En savoir plus

Faire appel à ASF ?
 

La section française d’Archivistes sans frontières (ASF-France) intervient pour mener à bien des opérations ou activités qui répondent aux principes et valeurs énoncés dans ses statuts. Ses membres interviennent de manière bénévole.
En savoir plus

 

Archivistes sans frontières | ASF-France